Mémorial national australien et cimetière militaire:
Un imposant mémorial a été dressé au nord de la commune (sur le côté de la route départementale D23 menant à Fouilloy) sur un site en légère pente regroupant plusieurs milliers de stèles blanches, auxquelles on accède par un très large escalier flanqué de part et d'autre par un pavillon de pierre.
Le haut de cet escalier est occupé par un gros parallélépipède de pierre indiquant très sobrement « Their name liveth for evermore. », appelé Pierre du souvenir.
Au-delà des tombes et de la haute croix blanche (Croix du sacrifice) s'élève la tour qui domine les environs.
De hauts murs, sur lesquels sont gravés les noms d'une multitude de soldats, la relient à droite et à gauche très symétriquement à deux autres pavillons, pour constituer une sorte de cour intérieure délimitée par deux ailes de pierre blanche.
Les angles de ces deux pavillons et ceux du sommet de la tour sont décorés de drapeaux.
Le corps de celle-ci est parcouru par un escalier permettant d'accéder au sommet, sur une plate-forme ornée de colonnes, abritant une table d'orientation et offrant un panorama sur le cimetière militaire en contrebas, sur Corbie et les environs.
Le Mémorial et la croix du cimetière portent encore des traces d'impacts, subis lors des combats de la Seconde Guerre mondiale, qui imposèrent la nécessité d'une restauration du site.
Le 25 avril de chaque année, le Mémorial national australien est le lieu principal des cérémonies commémoratives de la Journée de l'ANZAC.
Des personnalités officielles australiennes et néo-zélandaises font alors le déplacement, ainsi que des membres des familles des soldats tués ou disparus lors de la Première Guerre mondiale.
Ceux-ci témoignent de leur visite en fixant un coquelicot de papier ou de tissu sur la tombe ou à défaut sur le monument collectif, à côté du nom gravé.

Le 22 juillet 1938, un an à peine avant le début de la Deuxième Guerre mondiale, le roi George VI du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, regardait les grandes étendues de la Somme depuis un podium situé devant la tour du Mémorial national australien de Villers-Bretonneux.
Celui-ci était le dernier des grands mémoriaux de l'Empire britannique et du Commonwealth de la Première Guerre mondiale à être construit en France ou en Belgique.
Aux côtés du roi se trouvait sa femme, Elizabeth Bowes-Lyon, dont le frère, le capitaine Fergus Bowes-Lyon, avait été tué lors de la bataille de Loos en France en 1915.
Albert Lebrun, président de la République française, et Earle Page, Premier ministre délégué d'Australie, étaient également présents.
Devant la grande foule assemblée sur l'herbe devant le mémorial, le roi, dont les mots étaient diffusés en direct vers l'Australie, s'adressa aux soldats de l'armée de l'air et de terre et aux infirmiers australiens commémorés à Villers-Bretonneux :
"Sur ce monument se trouve une inscription, nous rappelant, à nous et à toutes les personnes qui visiteront cette colline dans les années à venir, les troupes australiennes ayant combattu en France et dans les Flandres, et les 11 000 hommes tombés au champ d'honneur en France, qui reposent dans des tombes anonymes."
Le roi George VI, discours retranscrit dans le journal The Times, Londres, 23 juillet 1938.
Le discours du roi renforça l'opinion de nombreuses personnes en Australie sur la participation de leur nation à la « Grande Guerre » et les souffrances et sacrifices offerts sur les champs de bataille du Front occidental et à Gallipoli. Cette effusion de sang avait, souligna le roi, permis au nouveau Commonwealth de passer « à l'âge adulte » et de « prendre sa place légitime dans la communauté de nations ».
De son podium, le roi pouvait voir les rangées de tombes du cimetière militaire de Villers-Bretonneux, devant lesquelles tous ceux qui se rendent au mémorial doivent passer, et finit son discours par ces mots :
"Ils reposent en paix, tandis que sur tous la tour d'Australie fait le guet."
Ensuite, le roi se tourna vers la grande tour du mémorial et ses larges murs, sur lesquels sont gravés les noms des disparus et les noms des batailles du Premier Corps d'armée australien.
À cet instant, un grand drapeau australien tomba pour dévoiler une porte sur la tour et des inscriptions en français et en anglais :
"A LA GLOIRE DE DIEU A LA MEMOIRE DES SOLDATS DE L'AUSTRALIE QUI COMBATTIRENT EN FRANCE ET DANS LES FLANDRES 1916-1918 ET A ONZE MILLE D'ENTRE EUX MORTS EN FRANCE QUI REPOSENT DANS DES TOMBES ANONYMES"
Depuis le sommet de la tour, on peut voir la campagne environnante de la Somme en direction d'Amiens et de sa cathédrale, que les troupes de l'AIF aidèrent à défendre en 1918.
Une table d'orientation circulaire y indique à l'aide de flèches les autres champs de bataille australiens sur le Front occidental et la direction de la capitale australienne Canberra, loin de là.
En bas de l'escalier intérieur menant jusqu'au sommet de la tour, une grande plaque au mur comprend une carte du Front occidental et l'emplacement des cinq monuments aux morts dédiés aux divisions australiennes en France et en Belgique : Première Division, Pozières ; Deuxième Division, Mont St Quentin ; Troisième Division, Sailly-le-Sec ; Quatrième Division, Montbrehain ; Cinquième Division, bois du Polygone, Belgique.
Après l'inauguration officielle du Mémorial par le roi George VI, ce fut au tour du président Lebrun de parler.
Celui-ci connaissait bien la destruction et les pertes causées par la guerre : entre 1919 et 1921, il était ministre des régions libérées.
La ville de Villers-Bretonneux, en grande partie détruite par les bombardements allemands et alliés en avril 1918, était nettement visible de tous lors de cette cérémonie, au-delà des champs sur la droite.
Lebrun mit l'accent sur le fait qu'ils étaient rassemblés pour commémorer les « Anzacs », qui « en avril, mai, juin, juillet et août 1918 avaient joué un rôle prépondérant dans les opérations précédant Amiens » :
"Vingt ans ont passé. Une fois encore les blés mûrissent sur cette terre trempée dans leur sang. Les herbes torturées poussent une fois de plus dans ces près [...] Le pèlerinage que nous venons d'effectuer entre ces deux rangées de stèles jusqu'au Temple qui les surplombe nous émeut jusqu'aux profondeurs de notre être."
En outre, affirma Lebrun, l'Australie avait choisi d'ériger ce mémorial sur la « terre même de ses exploits ».
La nuit du 24 au 25 avril 1918, trois ans après le débarquement de Gallipoli, les soldats australiens avaient remonté les champs aujourd'hui couverts par le cimetière et le mémorial, pour reprendre Villers-Bretonneux des mains allemandes.

Le roi George VI et la reine Elizabeth, en compagnie du Premier ministre délégué australien Earle Page (à droite de la reine) et du président de la République française Albert Lebrun (tout à droite), lors de l'inauguration du Mémorial national australien, Villers-Bretonneux, France, 22 juillet 1938.

Le roi et la reine discutant avec des anciens soldats australiens lors de l'inauguration du Mémorial national australien, Villers-Bretonneux, Somme, France, juillet 1938 .

La reine Elizabeth place des coquelicots au nom des enfants de Villers-Bretonneux sur le Mémorial national australien, Villers-Bretonneux, 22 juillet 1938.
iwojima55, Posté le mardi 22 avril 2014 10:24
très belle article, je suis allé le voir il y deux ans, il est superbe... beaucoup d'émotion...