Importance stratégique :

Objectif des attaques allemandes.
La trouée de Charmes est située entre deux places fortes : Toul au nord et Epinal au sud. Elle constitue une voie classique d'invasion jusqu'au c½ur de la France et se trouve à la jonction entre la Ie armée française (Dubail) et la seconde (Castelnau).
Si l'armée allemande réussit à y pénétrer, elle séparera les deux armées françaises et surtout pourra prendre à revers l'ensemble du dispositif français qui lutte contre les armées qui ont traversé la Belgique.
Ce serait le double enveloppement qu'espère réaliser Moltke.
Le terrain:

Nancy - Trouée de Charmes.
La défense naturelle de Nancy se compose de deux parties, l'une à l'est et l'autre à l'ouest.
C'est une sorte de petite Suisse, séparant le bassin de la Moselle de celui de la Seille, qui se jette dans la Moselle à Metz.
Le mont Sainte-Geneviève est la première hauteur du Grand Couronné (nord de Nancy).
Au sud de cette colline, le Grand Couronné développe sa figure bosselée : ce ne sont que hauteurs et vallons, pentes et contre-pentes.
Au sud de la coupure de la Pissotte, qui coule de Champenoux vers Dommartin, le Rembêtant domine la plaine, entre Nancy et Lunéville.
La région comporte plusieurs forêts : Gremecey, Champenoux, Vitrimont, bois de Faulx.
Au nord-est de Nancy, le plateau de Malzéville n'est qu'un sol aride et chauve.
Au sud de Lunéville, une trouée se dessine entre deux régions montagneuses : la trouée de Charmes.

Journée du 22 août 1914 :
Après avoir remporté les batailles de Sarrebourg et Morhange, les Allemands passent la frontière française.
Ils ont toutefois subi de lourdes pertes : dans le Ie C.A. bavarois par exemple, certaines unités ont perdu entre 25 et 50 % de leur effectif.
C'est la raison qui explique qu'ils n'aient pas poursuivi vigoureusement et aient momentanément perdu le contact avec les Français.
Puis, progressant, ils commencent à bombarder le front nord et est du Grand Couronné.
Le 15e C.A., éprouvé par les combats des 19, 20 et 21 août, ne se sent pas en état de se maintenir sur la rive droite de la Meurthe (nord nord-est de Lunéville).
Castelnau le renforce par une brigade mixte du 20e C.A. (Ferry).
Les troupes allemandes se mettent en mouvement : L'armée du kronprinz de Bavière, venant de Delme et de Morhange, a pour objectif le Grand Couronné et Lunéville.
L'armée de von Heeringen, débouchant du Donon et des cols des Vosges, a pour objectif la ligne de la Mortagne et la forêt de Charmes où elle compte prendre à revers les forces françaises qui ont pour mission de défendre la trouée de Charmes face au nord-est.
Vers 8H30, le 16e C.A. français subit une attaque vers les hauteurs de Crion et de Sionviller.
Le 15e C.A. est autorisé vers 10H00 à se replier sur la rive gauche de la Meurthe et vient occuper les hauteurs de Saffais.
Pour pouvoir tenir le plus longtemps possible sur la rive droite de la Meurthe, Castelnau donne l'ordre à la 22e brigade de traverser la rivière et d'occuper les hauteurs de Flainval.
Elle empêche ainsi les Allemands de tourner le Grand Couronné par le sud, en maintenant les liaisons avec le 16e C.A. Le soir, les Français repassent la Meurthe en faisant sauter les ponts derrière eux.
Le gros du 20e C.A. s'établit au sud de la Meurthe, sur les hauteurs de Ville-en-Vernois - Manoncourt.
L'intention de Castelnau, en préparant la défense de la trouée de Charmes, est de relier le Rembêtant aux hauteurs de Saffais (367m) et de Belchamps (413m) qui commandent à la fois la plaine de la Meurthe et de la Mortagne au nord et protègent la trouée de la Moselle au sud.
Ces mesures ramènent légèrement les troupes en arrière, laissant le champ libre aux Allemands pour s'enfoncer vers la Mortagne, au sud de Lunéville.
La ligne Rembêtant - Saffais - Belchamps s'étend grosso modo du nord au sud.

Repli français 20 - 22 août 1914 .
Les Allemands sont contenus à gauche sur la côte qui protège au nord Jolivet mais, sur la droite, vers 15H00, la 31e division (16e C.A.) commence à plier.
Une contre-attaque sur Croismare dégage cette division, mais elle finit par céder : elle passe la Meurthe à Lunéville et vient se reformer à Xermaménil.
Lunéville est déclarée ville ouverte et le 23 à 14H00, les troupes du 21e C.A. allemand défilent dans les rues, musique en tête.
Journée du 23 août 1914 :
L'armée allemande émet un communiqué de victoire :
« Les troupes qui, sous la conduite du prince héritier de Bavière, furent victorieuses en Lorraine, ont franchi la ligne Lunéville - Blâmont - Cirey.
Le 21e C.A. est entré aujourd'hui à Lunéville. La poursuite de l'ennemi a porté ses fruits ; l'aile des Vosges a fait de nombreux prisonniers et a pris 150 canons et des drapeaux ».

Prise d'un drapeau français près de Lunéville.
Les ordres du G.Q.G. français établissent une liaison entre les Ie et IIe armées et donnent comme objectif commun de tendre un piège devant les troupes allemandes qui s'avancent imprudemment.
La plate-forme du piège est constituée par la Ie armée (Dubail) qui a l'ordre de s'établir en ligne à travers la vallée. L'abattant est la IIe armée (Castelnau), occupant les hauteurs du Grand Couronné de Nancy, et qui attaquerait les troupes allemandes de flanc.
La jonction entre les deux armées se fera par les hauteurs au nord de la forêt de Charmes, par les 64e et 74e divisions (IIe armées) qui barrent la trouée de Charmes, par la 16e division (8e C.A.) et la 6e D.C. (Ie armée) au sud de Rozelieures et de Borville.

Situation des 1e et 2e armées le 23 août après la retraite.
Ie armée française :
L'armée doit, selon les ordres de Joffre, prendre globalement une position perpendiculaire par rapport à celle de la IIe armée (les deux branches du piège).
Dubail va opérer vers le sud-ouest une vaste conversion de sa gauche et de son centre afin d'établir la liaison en équerre avec la droite du général de Castelnau, qui aura son aile droite au nord de la forêt de Charmes, vers Villacourt.
- Le 8e C.A. s'articule avec la droite de la IIe armée en direction de la forêt de Charmes. La 16e division (Maud'huy) prend la direction de Domptail - Saint-Pierremont et passe la Mortagne. Il se trouve sur la ligne de Damas-aux-Bois - Hallainville - Fauconcourt.
- Le 13e C.A. gagne les bords de la Mortagne où il cantonne à Saint-Maurice - Roville-aux-Chênes et Anglemont.
- Le 21e C.A. se dirige vers la Meurthe pendant la nuit et bivouaque face au nord, sur la ligne Celles - Pierre-Percée - Pexonne - Merviller - Baccarat.
- Le 14e C.A. a quitté la vallée de la Bruche et s'est replié vers l'ouest pour occuper la région de Ban-de-Sapt.
L'ensemble du dispositif s'étend grosso modo d'ouest en est, soit perpendiculairement à celui de la IIe armée.
IIe armée française :
Pour la IIe armée, le 23 août se passe dans un calme relatif : c'est une sorte de trêve de part et d'autre.
L'armée de Castelnau s'établit fortement sur ses positions et le Q.G. s'installe à Pont-Saint-Vincent, dans l'intention de surveiller la région de Charmes.
L'aile droite de l'armée doit s'opposer au mouvement débordant des Allemands vers le sud et défendre la rive gauche de la Meurthe en prolongement du Grand Couronné.
- Le 16e C.A. est vers Xermaménil - Belchamps, surveillant la route de Lunéville à Bayon. L'artillerie du C.A. se trouve sur les crêtes de Belchamps et au nord de Brémoncourt.
- Le 15e C.A. est dans la région d'Haussonville.
- Le 20e C.A. s'articule de manière à pouvoir défendre soit le Grand Couronné, soit la trouée de Charmes. L'artillerie du C.A. domine la Meurthe, sur la crête de Saint-Nicolas et prend d'enfilade la vallée du Sanon.
- Les divisions de réserve gardent toujours le Grand-Couronné, leur force principale est prête à contre-attaquer vers Haraucourt ou Réméréville.
Les Allemands tentent une attaque sur le Rembêtant mais sont arrêtés par l'artillerie lourde située sur cette colline et les batteries de la rive gauche de la Meurthe.
Dans la soirée, les Allemands installent une nombreuse artillerie sur les hauteurs de Flainval - Anthelupt d'où ils peuvent soit canonner le Rembêtant soit prendre de revers les troupes françaises vers Lamath - Xermaménil.
VIe et VIIe armées allemandes
Les armées allemandes forment un vaste demi cercle dont le sommet est sur les pentes du Donon et dont la corde est la vallée de la Meurthe avec Baccarat comme centre.
à sivre
Article suivant journées du 24 au 27 août 1914.
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